Photo de Mélenchon, Macron, Fillon, Hamon et Asselineau
Médias - 18 avril 2017

Les candidats à la présidentielle se prononcent sur la place des bibliothèques

Le 28 mars 2017, l’Association des Bibliothécaires de France et Bibliothèques Sans Frontières interpellaient l’ensemble des candidats à l’élection présidentielles sur la place indispensable des bibliothèques dans les politiques publiques. Tour d’horizon de leurs réactions.

Deux candidats, Benoît Hamon et Emmanuel Macron, ont fourni des réponses longues et détaillées. Hormis une ou deux erreurs ou approximations, la précision de leurs retours indique une bonne connaissance de l’enjeu de la lecture publique.

François Fillon et Jean-Luc Mélenchon fournissent des réponses claires et en phase avec les enjeux des bibliothèques même si elles auraient mérité d’être plus développées.

Certains candidats ont transmis un courrier général type par manque de ressources humaines pour formuler des réponses précises (Jean Lassalle, Jacques Cheminade). François Asselineau renvoie le sujet vers les députés et propose de lancer un référendum sur toute question qui aura mobilisé 500 000 citoyens par signature.

Malgré les relances, les autres candidats ne nous ont pas répondu.

L’Association des Bibliothécaires de France et Bibliothèques Sans Frontières estiment que les réponses apportées par les différents candidats demeurent insuffisantes et lanceront au moment des législatives une nouvelle campagne de mobilisation pour défendre et promouvoir les bibliothèques dans les 5 prochaines années.

Synthèse des réponses apportées par les candidats par question

Démocratie et citoyenneté

Les bibliothèques sont des acteurs majeurs de la citoyenneté à travers leurs actions (rencontres, débats, diffusion des savoirs) qui reflètent la liberté d’expression, le pluralisme, l’égalité et la laïcité qui sont au cœur de notre république. Quelles garanties concrètes les candidats à la présidentielle proposent-ils afin de préserver l’action citoyenne des bibliothèques ?

François Fillon

Il souligne l’importance du rôle démocratique des bibliothèques : “Elles jouent un rôle majeur, pour l’éducation, l’insertion dans la vie professionnelle, l’accès au livre, à la culture, aux valeurs républicaines.” Il met en avant leur rôle de mélange des générations et de tous les types de publics: “Je suis très attaché à des bibliothèques largement ouvertes à toutes les générations: les jeunes (je pense au succès des «heures du conte»), les adolescents, les adultes, les personnes âgées, les personnes de toutes les conditions et aussi les publics souffrant de handicaps.” Le candidat s’engage à défendre le pluralisme, la laïcité et la gratuité d’accès aux bibliothèques.

Benoît Hamon

En introduction, le candidat affirme l’importance du rôle des bibliothèques dans la cité : “Les bibliothèques, toutes les études le montrent, sont des espaces de réalisation effective des droits culturels, parce qu’elles accueillent tous les publics, enfants, adolescents, familles modestes comme aisées.” Il affirme l’importance du pluralisme et de la liberté d’acquisition : “Le rôle de la bibliothèque, doit être reconnu mais il doit aussi être protégé. Notamment en matière de pluralisme des acquisitions” Le candidat affirme l’importance de la gratuité du prêt de livre. Benoît Hamon propose de poursuivre la contractualisation culturelle entre l’Etat et les collectivités qui s’engagent à renforcer les moyens de leur politique culturelle : “Je souhaite inverser cette tendance et porter une nouvelle contractualisation culturelle avec les collectivités locales afin qu’elles aussi s’engagent dans l’augmentation des concours publics à la culture.” Il s’engage aussi à ouvrir une nouvelle enveloppe pour préserver les budgets d’acquisition des bibliothèques qui ont beaucoup baissé ces dernières années: “1 million d’euros sur cinq ans”. Benoît Hamon reconnaît le rôle citoyen et d’animation du territoire des bibliothèques: “les bibliothèques s’ouvrent de plus en plus sur leur environnement extérieur : elles nouent des relations avec des acteurs locaux, servent de lieux de débats et d’expression, organisent des ateliers divers et variés en leur sein (ateliers CV, recherche d’emploi, formation à l’informatique etc…)”. Le candidat souhaite rendre obligatoire l’inscription et la fréquentation de la bibliothèque par les classes dans le cadre d’un plan renforcé d’éducation artistique et culturelle. Il méconnaît donc l’important travail déjà effectué par les bibliothèques dans ce domaine.

Emmanuel Macron

Il affirme le “rôle irremplaçable des bibliothèques publiques” comme “lieu de transmission de la culture et du savoir” et “d’expression du pluralisme”. Pour ce dernier point, il s’engage à veiller à la préservation des bibliothèques de “tout risque de censure ou d’atteinte à leur liberté d’action”, sans préciser par quels moyens.

Jean-Luc Mélenchon

Il préconise un “suivi régulier de leurs fonctions de transmission et d’animation par convention ou cahier des charges” en listant des activités très classiques en bibliothèque (littérature, culture) ou clairement pédagogiques. Il refuse toute intrusion dans les choix d’acquisition et réclame un “respect absolu de la laïcité” via une charte déclinée de la nouvelle constitution qu’il veut mettre en place. Il semble donc souhaiter un contrôle assez marqué de l’Etat sur les bibliothèques territoriales.

 

Inégalités territoriales

Tous les habitants de France devraient avoir accès à moins de 15 minutes de chez eux à l’information, à la culture, à l’éducation, en d’autres termes à une bibliothèque, outil de lien social et de lutte contre les inégalités.Les candidats à la présidentielle comptent-ils maintenir, voire accentuer, l’appui de l’État pour aider les collectivités et les universités à compléter ce maillage territorial ?

François Fillon

Le développement de la lecture publique relève selon François Fillon des collectivités locales :  “Les communes, les départements et les régions jouent un rôle essentiel et consentent d’importants moyens.” Contrairement à ce qu’indique François Fillon, les régions n’agissent pas ou très rarement dans le domaine de la lecture publique… c’est la compétence obligatoire du département et cela relève des communes. François Fillon ne prend pas d’engagement clair, notamment financier pour que l’Etat continue à aider le développement de la lecture publique via les DRAC et le concours particulier de la DGD.

Benoît Hamon

Il souhaite augmenter l’aide de l’Etat auprès des collectivités qui porteraient des projets innovants en matière de lecture publique : “Je porterai les concours publics à 1% du PIB avec notamment comme priorité le rééquilibrage territorial et une nouvelle contractualisation avec les collectivités locales, notamment pour la lecture publique.”

Emmanuel Macron

Il affirme sa volonté de conforter les dispositifs d’aide nationaux existants (DGD, contrats territoire-lecture…) et de poursuivre un maillage du territoire “à un échelon pertinent”. Par ailleurs, il souhaite que l’Etat soit attentif à la préservation des BDP.

Jean-Luc Mélenchon

Il veut “sécuriser et renforcer le maillage territorial en bibliothèques publiques”, en refusant notamment la fermeture de bibliothèques pour des raisons budgétaires et avec un “soutien aux dotations en ouvrages universitaires”.

 

Accès au numérique

L’accès au numérique est fondamental aujourd’hui tant pour l’ensemble des démarches administratives ou pratiques que pour la découverte culturelle. Les compétences numériques sont loin d’être acquises par l’ensemble des Français. Les contenus culturels sont trop verrouillés et limités. Comment les candidats à la présidentielle comptent-ils faciliter l’action des bibliothèques dans ce domaine ?

François Fillon

Le candidat prend un engagement clair : “La transition numérique des bibliothèques doit être encouragée”. Concernant le dispositif PNB (Prêt Numérique en Bibliothèque), il en souligne bien les limites en terme d’interopérabilité, c’est à dire la capacité à pouvoir utiliser les fichiers numériques dans différents appareils et dans différents systèmes informatiques. “Nous accompagnerons les démarches en termes d’interopérabilité ou portabilité.” François Fillon s’engage à intervenir en faveur de l’interopérabilité au niveau européen.

Benoît Hamon

Il déclare que PNB est un bon système et qu’il faut se battre pour qu’il soit généralisé dans le respect des droits d’auteur. Le candidat ne prend aucun engagement concernant la réduction des coûts pour les bibliothèques moyennes qui n’auront pas le budget pour y avoir accès. Si la Bibliothèque Départementale n’a pas non plus les moyens financiers, certaines bibliothèques rurales ne pourront pas non plus proposer des livres numériques à leurs habitants. En revanche, il s’engage sur le développement de l’interopérabilité des fichiers numériques quel que soit le type de contenus (livres, musiques et cinéma). Benoît Hamon prône en outre “l’émergence de nouveaux acteurs de l’économie numérique qui fondent leur modèle sur le partage des valeurs créées (coopérativisme de plateforme) et qui portent des modèles de juste rémunération de toutes les parties prenantes.”

Il s’engage “à maintenir l’alignement du taux de TVA pour les livres numériques sur le taux du livre papier, appliqué depuis janvier 2012 à un taux réduit de 5,5%.” Il affirme une volonté forte concernant le développement de la numérisation des collections patrimoniales publiques. “Un accent particulier sera mis sur la diffusion, la connaissance et la valorisation de ce patrimoine numérique auprès du grand public afin que la numérisation soit réellement mise au service de l’accessibilité”

Emmanuel Macron

Il veut développer le prêt numérique, y compris audiovisuel et musical, en combinant accès, budgets publics et rémunération des ayants droits.

Jean-Luc Mélenchon

Il approuve techniquement le PNB, en restant attentif à “la mainmise des éditeurs et diffuseurs numériques sur la proposition de lecture”. Il souhaite “bâtir un outil de lecture et de prêt numérique fondé sur le critère unique d’accès à la lecture publique et indépendamment de contraintes qui lui seraient étrangères”, une proposition qui reste floue.

 

Horaires d’ouverture

Les horaires d’ouverture des bibliothèques sont aujourd’hui encore trop restreints au regard des besoins des Français. Quelles propositions font les candidats à la présidentielle pour soutenir l’émergence de projets pertinents, c’est-à-dire adaptés à leur territoire et qui préservent la qualité du service rendu aux citoyens ?

François Fillon

Le candidat est favorable à l’élargissement des horaires d’ouverture car ils correspondent à une demande forte des citoyens. François Fillon s’engage pour un accompagnement financier de l’Etat dans ce domaine: “cet élargissement a un coût et l’État doit accompagner les collectivités territoriales avec les moyens nécessaires s’il veut vraiment que les choses avancent.” Cependant le candidat évoque aussi la piste du bénévolat et du service civique pour cet élargissement et le développement de l’action culturelle des bibliothèques. Pour l’ABF, il s’agit d’une solution qui n’offre aucune pérennité aux services publics sur le long terme et qui doit être envisagée avec parcimonie. François Fillon évoque le renforcement des missions des établissements publics nationaux, tels que la BNF. Le candidat méconnaît les actions déjà menées par ceux-ci et qui sont déjà importantes.

Benoît Hamon

Le candidat indique que l’élargissement des horaires d’ouverture est important mais qu’il faut des moyens. Benoît Hamon s’engage à augmenter la Dotation Globale de Décentralisation (DGD) pour accompagner les collectivités qui augmenteraient non seulement les horaires d’ouverture mais aussi les moyens alloués aux bibliothèques dans d’autres domaines.

Emmanuel Macron

Il a inscrit l’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques dans son programme avec des contrats Etat-collectivités pour la prise en charge des dépenses de personnel supplémentaires en soirée et le dimanche. Il souhaite la nomination d’un “ambassadeur de la réforme” qui serait relai auprès des élus locaux et l’application d’une “méthode” pour atteindre les objectifs d’élargissement et dans la pratique du dialogue social. Il ajoute que cet élargissement ne suffira pas sans diversifier les publics grâce à la formation du personnel, au développement de la médiation et à la diversification des services.

Jean-Luc Mélenchon

Il critique l’idée du travail dominical généralisé et souhaite “l’embauche de personnels qualifiés et la continuité du service public, excluant tout rafistolage d’effectifs”.