Projets - 19 juin 2024

RDC : aider les survivant·es de violences sexuelles liées aux conflits à se reconstruire

À Bukavu dans la province du Sud-Kivu en proie aux violences des groupes armés, Bibliothèques Sans Frontières contribue à la reconstruction des femmes et des enfants victimes de violences sexuelles et psychologiques accueilli·es à la Maison Dorcas, créée par la Fondation Panzi du Dr Mukwege. Pour cela, un Ideas Cube ainsi qu’une bibliothèque enrichissent les activités socio-éducatives proposées par les médiateur·ices aux survivant·es. 
 
Rencontre avec Fatou Sall, représentante de BSF en République démocratique du Congo.

En 2008, les Nations Unies ont officiellement déclaré le viol comme « arme de guerre », soulignant ainsi qu’il ne s’agissait pas d’une conséquence malheureuse des conflits mais bien d’une stratégie militaire délibérée. Premières victimes de ces violences sexuelles, les femmes sont le plus souvent stigmatisées et rejetées par leur époux, leur famille et leur communauté.  
 
Avec une augmentation de 50% des violences sexuelles dans les conflits mondiaux en 2023 selon les Nations Unies, de nombreuses femmes et enfants continuent aujourd’hui de subir des atrocités aux conséquences dévastatrices pour leur santé – sans maison, sans soin, sans aide pour certaines. 
 
La République démocratique du Congo a notamment connu deux guerres, de 1996 à 1997 et de 1998 à 2003, dans lesquelles le viol a été utilisé pour détruire les communautés et les familles. Le viol pour isoler les femmes et les filles congolaises, le viol pour les soumettre à la peur et l’intimidation, le viol pour les tuer à petit feu. “Une guerre dans la guerre”, comme l’a décrit l’ONG Human Rights Watch.

Dans toute guerre, les destructions matérielles visent à empêcher la communauté de se relever. Les destructions physiques poursuivent le même objectif.Fatou Sall, représentante de BSF en RDC. 

La situation en République démocratique du Congo est plus qu’alarmante. Fidèle à son mandat de faire de l’accès à la connaissance un vecteur de résistance, de résilience et d’émancipation, BSF met son expertise à disposition des médiateurs·rices de la Maison Dorcas, située à Bukavu dans la province du Sud-Kivu, en y déployant un Ideas Cube et une bibliothèque. Centre de transit et d’autonomisation des survivantes et de leurs enfants, la Maison Dorcas est une émanation de la Fondation Panzi, fondée par le Dr Mukwege, chirurgien gynécologique et lauréat du prix Nobel de la paix en 2018 pour sa lutte contre les violences sexuelles comme arme de guerre.

Après la prise en charge médicale et psychologique des victimes de violences sexuelles à l’Hôpital de Panzi, la Maison Dorcas leur offre un soutien holistique de plusieurs mois. Elle propose un hébergement ainsi qu’un programme de réinsertion, via une formation professionnelle : pâtisserie, boulangerie, bijouterie, etc. À la fin de celle-ci, les femmes reçoivent un kit de réinsertion pour lancer leur propre entreprise, soit dans leur communauté d’origine, soit, si elles ne peuvent y retourner, à Bukavu. Fatou Sall, représentante de BSF en RDC.

Depuis 2023, BSF déploie donc une bibliothèque numérique Ideas Cube et une bibliothèque de 300 ouvrages en français, anglais, swahili et lingala au sein de la Maison Dorcas. Les femmes et les enfants peuvent ainsi accéder à une variété de livres et de ressources numériques sur les droits des femmes, de l’enfant ou l’égalité de genre. Ils et elles peuvent aussi découvrir la littérature jeunesse et congolaise, visionner des documentaires sur la République démocratique du Congo ou la région des Grands Lacs. 
 
Ces outils et ressources sont utilisés par les médiateur·ices du centre dans le cadre de leurs activités socio-éducatives destinées à accompagner les survivantes dans leurs projets d’avenir.

Une fois ces femmes rétablies physiquement, il est essentiel de leur redonner de l’espoir. L’accès à une bibliothèque, l’accès au savoir, peut leur offrir une nouvelle perspective sur le monde, leur permettre d’envisager un avenir pour elles et leurs enfants, de surmonter ce qui pourrait sembler être une condamnation à vie. Fatou Sall, représentante de BSF en RDC.

Parmi les personnes hébergées au sein de la Maison Dorcas, 30 % des survivant·es sont âgé·es de moins de 18 ans. Alors que la plupart d’entre elles ne sont jamais allées à l’école ou ont vu leur éducation interrompue à cause des guerres, Fatou Sall souligne le rôle essentiel de l’accès à l’éducation pour relever les défis auxquels elles sont confrontées.

“Les causes des guerres et des violences extrêmes doivent être expliquées aux enfants afin d’encourager l’éducation à la citoyenneté. Mettre en lumière cette problématique est crucial pour que les générations futures adoptent un regard différent et évitent de reproduire les mêmes mécanismes, les mêmes erreurs. Les bibliothèques offrent un cadre idéal pour ce type d’activités et de sensibilisation.Fatou Sall, représentante de BSF en RDC.

Dans les prochains mois, BSF et la Fondation Panzi souhaiteraient élargir l’accès de la bibliothèque de la Maison Dorcas à l’ensemble des habitant·es de Bukavu, qui compte très peu de bibliothèques.

Rédaction : Mathilde Lis

Depuis 2022, BSF soutient les survivant·es des violences sexuelles dans les conflits aux côtés des Nations Unies. Pour cela, l’ONG met son expertise à la disposition de plusieurs acteur·ices partenaires en République démocratique du Congo, en Ukraine et au Nigéria.
 
En janvier 2024, un colloque international a été organisé sur cette thématique par BSF et l’Institut de la Paix et du Développement dUniversité Côte d’Azur, en présence de nombreux·ses expert·es académiques, institutionnels ou encore associatifs, et de Pramila Patten, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.

Bibliothèques Sans Frontières facilite l’accès de toutes et tous à la connaissance. En France et dans plus de 30 pays, l’association crée des espaces culturels et éducatifs innovants qui permettent aux personnes touchées par les crises et la précarité d’apprendre, de se divertir, de créer du lien et de construire leur avenir.