Projets - 1 décembre 2025

Nigeria : aider les survivantes de violences sexuelles liées aux conflits

Dans le nord-est du Nigeria, la violence des affrontements entre groupes armés plonge la population dans une crise humanitaire profonde. Les femmes et les enfants, premières victimes, subissent de plein fouet les violences sexuelles liées aux conflits. Depuis 2024, Bibliothèques Sans Frontières et We are NOT Weapons of War (WWoW) déploient l’application web BackUp – développée par WWoW – pour prévenir ce fléau et accompagner les survivantes.

Le viol comme arme de guerre

Quatrième puissance économique d’Afrique, le Nigeria fait face à une instabilité croissante alimentée par la présence de groupes armés. Dans plusieurs régions du nord du pays, les populations vivent encore les conséquences de plus d’une décennie de violences liées à l’insurrection de Boko Haram. Ce conflit a provoqué des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et une crise humanitaire majeure. 
 
Dans ce contexte, les femmes et les filles sont les premières victimes de violences généralisées. Les violences sexuelles sont utilisées comme une arme de guerre, dans le but de terroriser, punir et contrôler les populations. Les combattants de groupes armés, tout comme certaines forces locales, ont eu recours à ces atrocités, perpétuant un cycle de peur et de silence. Bien que les hommes soient eux aussi touchés, leur souffrance demeure largement ignorée et taboue. 

Selon des estimations de l’ONU, entre 2009 et 2017, environ 7 000 femmes et filles – ainsi que 217 enfants – ont été victimes de viols ou d’autres formes de violences sexuelles dans le cadre des conflits au Nigéria. L’impunité qui entoure ces crimes, couplée à l’insuffisance de la prise en charge des survivant·es en raison de la stigmatisation sociale et de la méfiance envers les autorités, exacerbe la situation et maintient les victimes dans un abandon cruel. 

« L’accès aux soins médicaux des survivant·es, à la protection et aux recours juridiques est insuffisant, en raison d’un manque de coordination entre les services, d’une information peu accessible et de l’absence d’espaces sécurisés où les victimes peuvent trouver un soutien adapté. » Maïc Lesouef, coordinatrice du projet à WWoW. 

Dans cette société marquée par des tabous de grande ampleur, les survivant·es restent souvent réduits au silence.

BackUp : une approche innovante, communautaire et participative 

Financé par le Centre de Crise et de Soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le projet repose sur le déploiement d’une application web développée par WWoW, BackUp, permettant d’identifier les survivant·es, de documenter de manière sécurisée les incidents de violences sexuelles et de coordonner des réponses adaptées à leurs besoins.

Après plusieurs phases de test en Libye, au Burundi et en Guinée-Conakry, cette initiative marque sa première mise en œuvre à moyen terme dans les États de Sokoto, Adamawa, Yobe et Zamfara, avec pour ambition de toucher un nombre de plus en plus large de zones de conflit. 

« BackUp permet d’identifier les survivant·es de violences sexuelles liées aux conflits, de sauvegarder leur histoire et de faciliter et coordonner leur accès aux services de prise en charge. Surtout, il permet de collecter et de sécuriser des données sur ce phénomène afin d’améliorer la réponse apportée et de lutter contre l’impunité. Cet outil permet un accès au terrain, sans intermédiaire et permet aux survivant·es de porter leur voix et d’être entendu·es. » Maïc Lesouef, coordinatrice du projet à WWoW. 

En complément de l’application, vingt Ideas Cube de BSF sont déployés dans les zones concernées. Ces bibliothèques numériques, accessibles sans connexion Internet, offrent des ressources éducatives et informatives essentielles aux communautés affectées – notamment celles privées d’accès à Internet. Adaptés aux réalités du terrain ainsi qu’aux spécificités culturelles et linguistiques, ces contenus jouent un rôle clé dans la prévention des violences sexuelles et l’autonomisation des populations, en les orientant vers des services d’accompagnement et en outillant les acteur·ices locaux·ales pour une meilleure prise en charge. 

« L’accès à l’information est le premier levier de l’empouvoirement. Connaître ses droits, c’est pouvoir les revendiquer et reprendre une place active au sein de la société. Trop souvent, les victimes ne savent pas vers qui se tourner, ignorent leurs droits ou redoutent la stigmatisation. En leur fournissant des ressources claires et accessibles, nous leur permettons de prendre des décisions éclairées et de reprendre le pouvoir sur leur parcours de rétablissement. » Maïc Lesouef, coordinatrice du projet à WWoW. 

Afin de maximiser l’impact de cette initiative, BSF et WWoW collaborent avec sept organisations locales* dont Grassroots Researchers Association, une association nigériane qui, grâce à son ancrage et sa connaissance des dynamiques locales, facilite l’adhésion des communautés au projet. Régulièrement, elle organise des groupes de discussion auprès des organisations de la société civile, des leaders communautaires et religieux. Ces espaces d’échange permettent de sensibiliser aux enjeux des violences sexuelles, de recueillir des témoignages et d’adapter les interventions aux réalités du terrain.

*Justice Development and Peace Commission, Life at Best Development Initiative, Jesuit Refugee Service, Grassroots Researchers Association, Intergrated Women and Youth Empowerment Center, Premiere Urgence International, Grassroot Initiative for Strengthening Community Resilience. 

Face à l’ampleur de la crise, l’engagement de BSF et de WWoW offre un espoir tangible aux survivant·es et représente une avancée significative dans la lutte contre l’impunité des crimes sexuels en zones de conflit. 

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