Trente-deux ! C’est le nombre de fois que Delphine et Nicolas, animateurs de l’Ideas Box à Marseille au sein de l’association ACELEM, ont prononcé le mot « envie », en trente minutes d’échange. L’envie de lire, l’envie de découvrir, l’envie de partager. Retour sur leurs actions hors-les-murs auprès des plus jeunes, dont le livre est toujours au cœur des activités.
Depuis 1995, l’Association Culturelle d’Espaces Lecture et d’Ecriture en Méditerranée (ACELEM) crée des lieux d’animation culturelle autour du livre à Marseille, favorisant la lecture et l’écriture auprès des personnes éloignées des structures de lecture publique. Avec ses huit Espaces lecture, structures de proximité installées dans différents quartiers de la ville, d’Air Bel à la Valbarelle, l’ACELEM offre de véritables points ressources pour les milieux associatifs partenaires et les habitants : prêts de livres, consultation de la presse, ateliers multimédia, animations et réalisations autour de l’écriture.
Des actions hors les murs sont aussi régulièrement menées en direction des écoles, des lycées, des Maisons pour tous et des centres sociaux. Actions dans lesquelles s’inscrit l’Ideas Box, en partenariat avec la Fondation Cultura, depuis plus d’un an.
« L’Ideas Box permet de créer un pont, une dynamique culturelle et du lien social entre les gens. Elle est un espace de rencontres dans le quartier et nous permet de faire découvrir aux jeunes autre chose que leur quotidien. Ils ne sont pas à l’école : nous ne sommes pas dans un rapport au savoir qui va être noté, évalué et classé. Chacun peut s’exprimer et apprendre comme il le souhaite. On est simplement dans le partage de connaissances. C’est un échange culturel, nous sommes sur un pied d’égalité. » explique Nicolas.
Deux à trois fois par semaine, les animateurs de l’ACELEM – formés par les équipes de Bibliothèques Sans Frontières – déclinent autour du livre plusieurs activités dans la rue, les squares, au plus près des habitants.
« À l’ACELEM, le livre est au cœur de nos interventions. Pour tout atelier créatif, d’écriture ou de lecture, nous nous appuyons toujours sur des livres, des contes à la poésie. On essaie de désacraliser l’objet livre, de le rendre plus ludique, théâtral et partagé. Notre objectif est que les enfants se l’approprient, qu’ils aient envie de lire. Si l’on est impliqué et que l’on raconte des histoires, alors on leur donnera envie ! » souligne Delphine.
« Le désacraliser d’une part, mais de l’autre aussi le re-sacraliser. Pour que les jeunes se rendent compte que l’objet est précieux. Je pense notamment aux livres pop-up, ces livres animés dont les éléments des pages sont en mouvement. La manière dont on se positionne importe énormément : nous intéresserons les enfants aux livres si nous y accordons beaucoup d’importance au sein de nos animations. Même s’ils ont des difficultés à lire, c’est en s’appropriant l’histoire et les personnages qu’ils en raconteront à leur tour à leurs copains. » poursuit Nicolas.
Un thème lié à la lecture et à l’écriture tient souvent lieu de fil rouge lors des activités, parfois pendant plusieurs mois. Le dernier en date : le Japon !
« Nous avons notamment travaillé autour de la calligraphie. Sur la télévision de l’Ideas Box, les enfants regardaient un petit film sur le geste calligraphique. Puis sur fond de musique japonaise, l’atelier calligraphie débutait : ils s’installaient par terre et dessinaient avec de beaux pinceaux et de l’encre de chine. » se souvient Delphine.
« Nous avons aussi fait des kamishibai, théâtres ambulants où l’artiste raconte une histoire en faisant défiler des illustrations devant son public. C’est une autre manière de lire. Le livre, transformé en spectacle, devient tout de suite beaucoup plus ludique. Il réunit les enfants : ils s’approchent, observent et veulent lire eux-mêmes. » ajoute Nicolas.
Les publics accueillis sont jeunes, des petits de moins de trois ans aux pré-adolescents. Dont beaucoup d’entre eux reviennent régulièrement. Les adolescents, eux, sont « plus plus difficiles à intéresser et à mobiliser. Ils n’investissent pas autant le quartier, ou pour d’autres raisons. Certains ont déjà un travail, d’autres commencent à sortir avec leurs copains. »
Dans des territoires où peu de moyens sont investis pour la lecture publique, où beaucoup d’habitants sont éloignés des espaces culturels, Delphine conclut enfin sur l’importance de ces espaces ouverts et conviviaux.
« Dans une structure, il y a des murs et des règles liées à l’établissement. Avec l’Ideas Box, nous sommes dans la rue. On se fond dans le décor et la vie de quartier telle qu’elle se déroule. Tous les jours, c’est un climat à la fois social et météorologique différent. Sans murs, les rencontres avec les gens sont plus spontanées, franches et paradoxalement plus intimistes également, propices à la confidence. Les frontières se cassent. L’espace d’un après-midi, nous créons un lieu temporaire, ouvert, un petit village où les enfants viennent ou ne sont jamais très loin. Ils jouent, s’amusent à l’extérieur, rient : une pulsion de vie dans le quartier ! »