Attente des Rohingya dans le camp
Projets - 31 janvier 2019

Réfugiés rohingyas : des contes et des cartes

Le district de Cox’s Bazar au Bangladesh a vu l’arrivée de près d’un million de réfugiés rohingyas en 2017, une minorité musulmane discriminée au Myanmar depuis plusieurs décennies. La majorité de ces réfugiés se concentre aujourd’hui dans le camp de Kutupalong, une ville avec ses abris en bois et en bambou, où le taux d’alphabétisation n’atteint pas les 40%.

En février 2019, Bibliothèques Sans Frontières installera avec ses partenaires dix KoomBook et cinq Ideas Box dans le district de Cox’s Bazar : quatre dans les camps de réfugiés rohingyas, une autre auprès des populations hôtes alentours. En attendant leur arrivée, notre équipe met en place depuis plus d’un mois des ateliers pour les adolescents rohingyas. Gaëlle Riboulet, médiatrice culturelle au Bangladesh, nous raconte deux d’entre eux.

Au Myanmar, leurs villages ont été incendiés et rasés. Au Bangladesh, le gouvernement propose des solutions temporaires pour les héberger. Loin de la route principale du ‘mega camp’ de Kutupalong, 20 000 réfugiés rohingyas vivent depuis près de six mois dans le camp 20.

« Ce camp de “relocalisation” accueille principalement des familles, parfois séparées de leurs proches, qui ont été relogées pour cause de zones à risques dans les camps alentours – des inondations aux éboulements. Avant qu’elles n’arrivent, il a été aménagé pour l’occasion : on y trouve quelques services basiques. Ceux-ci sont voués à être développés pour leur offrir de meilleures conditions de vie. » explique Gaëlle.

Les enfants rohingyas – qui pour la plupart n’avaient pas le droit d’aller à l’école au Myanmar – ont la possibilité de participer à des activités d’éducation informelle, quelques heures par jour et jusqu’à l’âge de 13 ans. Faute de place, plus de la moitié d’entre eux n’y a toutefois pas accès.

Ne pouvant aller à l’école et n’ayant que très peu d’endroits où se retrouver et jouer, les adolescents s’ennuient. C’est pourquoi depuis plus d’un mois, des ateliers sont animés dans des centres pour enfants dans les camps, autour de l’accès à l’information et de l’expression individuelle et collective.

« Peu de structures concernent les jeunes de 14 à 20 ans. L’un des ateliers cible donc un public d’adolescents garçons. Nous les formons aux futurs outils de l’Ideas Box, comme l’utilisation de l’appareil photo et de la caméra vidéo, pour aller chercher de l’information dans leur camp et réaliser une carte interactive des différents services, pour qu’ils puissent s’approprier ce nouvel espace. Les informations sont regroupées sur une carte interactive, ensuite partagées avec la communauté.

En partant de leurs besoins, nous avons défini cinq secteurs de recherche : l’eau (où trouver de la bonne eau ? où sont les différentes sources ?), l’éducation (où peut-on apprendre ? dans quelle langue et pour qui ?), la nourriture, les toilettes et enfin les mosquées.”

Ateliers avec les réfugiés rohingyas

« Recueillir des histoires et des contes rohingyas pour explorer l’imaginaire collectif »

Contrairement aux jeunes garçons, les adolescentes se déplacent beaucoup moins facilement dans le camp, se retrouvant davantage dans les tentes pour boire le thé. Parfois dans les centres qui leur sont réservés.

« Chez les Rohingyas, après la puberté, les jeunes filles doivent souvent rester à la maison. Elles ne peuvent en sortir qu’une fois mariées. Ce phénomène s’est accentué dans les camps avec les nombreuses disparitions de jeunes filles et la présence importante de mafias liées aux trafics sexuels. Comme avec les garçons, nous avons créé une activité spécialement pour elles afin qu’elles puissent s’exprimer librement. L’objectif de cet atelier est de recueillir des histoires et des contes rohingyas auprès de leurs proches, afin d’explorer leur imaginaire collectif mais aussi de renforcer la notion d’identité collective par des marqueurs culturels partagés, en rendant ces jeunes filles actrices de cette production. Nous nous concentrons donc plutôt sur des histoires de vie, au Myanmar, des histoires d’enfance, des contes traditionnels et non sur des histoires traumatisantes. »

Dès le mois prochain, ces deux ateliers et leurs nombreux enseignements pourront être inclus dans le programme plus large des Ideas Box qui seront bientôt installées dans les camps et auprès des communautés bangladeshi, également et durablement impactées par cette crise.

Ces bibliothèques donneront l’occasion aux réfugiés et aux populations locales de venir s’informer, de jouer et de se former aux outils numériques, sur les tablettes et les ordinateurs. Pour approcher celles et ceux qui ne fréquenteront pas les espaces communautaires, notre équipe se déplacera également avec des KoomBook, serveurs autonomes dont les contenus exclusivement en birman, en rohingya et en anglais ont été spécialement sélectionnés par notre équipe pour ces camps : des films, de la musique et des livres sans texte – du fait d’un faible taux d’alphabétisation chez les 15-50 ans. Par ailleurs, un focus spécifique sera mis sur les filles et les femmes afin qu’elles soient pleinement intégrées et concernées par les activités mises en place et les contenus sélectionnés.

Du Bangladesh au Rwanda, Bibliothèques Sans Frontières permet chaque jour à des milliers de réfugiés de s’informer, d’apprendre et de créer. Pour que la culture soit un droit fondamental pour tout être humain, soutenez nos actions sur le terrain !

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