Projets - 6 juillet 2020

Tutorat : lutter contre les inégalités scolaires dans les structures d’accueil

Pour lutter contre les inégalités scolaires en France, Bibliothèques Sans Frontières a créé un programme de tutorat et d’éducation à distance pour les enfants et adolescents des familles les plus vulnérables dans les structures d’accueil et d’hébergement en Île-de-France et en Meurthe-et-Moselle. Pendant deux mois, 183 enfants ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé, de la primaire au collège. L’occasion également de rompre l’isolement de ces derniers et de créer du lien en cette période difficile.

Soutenu par INCO et la Fondation du Crédit Mutuel, le programme touchait à sa fin vendredi dernier. Zoé, Alyson, Inès, Elsa et Sandrine, cinq tutrices, nous livrent leur expérience.

En France, la crise sanitaire que nous traversons et le confinement qu’elle a engendré ont eu – et continuent d’avoir – des conséquences profondes sur l’accompagnement et la prise en charge des personnes vivant dans les structures d’accueil et d’hébergement d’urgence : confinement à plusieurs dans des espaces réduits, rupture dans l’accompagnement juridique et social, etc.

Pendant près de trois mois, la suspension de l’école a eu des effets dramatiques pour les enfants, dont certains étaient en pleine phase d’apprentissage du français et de rattrapage académique. Ajoutons à cela une inégalité d’accès aux ressources numériques, pédagogiques et culturelles, diffusées par de nombreuses institutions, du fait d’un manque d’équipements ou d’une connexion Internet limitée. Bien souvent, en raison d’un manque d’informations et de compétences, dans la maîtrise du français notamment, certains parents n’ont pas été en mesure d’accompagner leurs enfants comme ils le souhaitaient.

C’est pourquoi nous avons créé un dispositif de tutorat afin qu’une centaine de tuteurs volontaires puissent accompagner 183 enfants en Île-de-France et en Meurthe-et-Moselle, de la primaire au collège, par téléphone. L’objectif ? Assurer une continuité pédagogique, sans pour autant suppléer l’Éducation Nationale. Parmi ces tuteurs, Elsa, Zoé, Alyson, Inès et Sandrine.

Chaque semaine, elles ont accompagné depuis le mois de mai entre trois et cinq enfants, les ont aidés dans leurs devoirs et ont complété l’enseignement donné à l’école par d’autres activités éducatives et culturelles. Au total, quatre-vingt-dix bénévoles se sont engagés à nos côtés.

« Lors de chaque séance, j’essayais d’établir un premier contact par visio avec l’enfant. Si la connexion le permettait, nous continuions ainsi. Sinon c’était par téléphone. C’est vrai qu’il souriait davantage et était plus à l’aise une fois qu’il parvenait à mettre un visage sur la voix qu’il entendait. » – Inès.

Régulièrement, des ressources pédagogiques, des clés de méthodologie sur le suivi à distance et des nouvelles idées d’activités ont été mises à disposition des tuteurs et tutrices, accompagnés individuellement par nos équipes. Avant d’entamer le suivi avec les enfants, les cinq jeunes femmes ont reçu une formation qui présentait les grandes lignes du projet.

« L’association nous a donné des astuces pour établir le premier contact avec les enfants. Cela s’est très bien passé pour moi. Certains ont été ouverts dès le premier échange. Ils m’ont même parlé de leur vie, de leur situation, de leurs devoirs et de leurs copains à l’école. Pour d’autres, la confiance s’est établie au bout de la deuxième séance. » – Elsa.

« Pour ma part, j’ai choisi de ne pas trop rentrer dans le côté personnel, de ne pas poser de questions sur leur situation ou leur famille de peur de mettre les pieds dans le plat. Cette distance m’a permis de ne pas trop être dans l’émotionnel. » – Sandrine.

Toutes les semaines, des webinaires ont également été animés par Bibliothèques Sans Frontières sur des sujets variés comme par exemple « Comment enseigner quand les enfants sont allophones ? » ou « Comment accompagner la fin du tutorat ? » Les webinaires ont aussi été l’occasion pour les bénévoles d’échanger leurs bonnes pratiques d’accompagnement.

« En plus des ressources proposées chaque semaine par l’association, un livret pédagogique nous était remis toutes les deux semaines avec des contenus classés par cycle scolaire. On y trouvait des exercices de mathématiques, des dictées, des poésies, de la lecture, de l’écriture, des imagiers… il y en avait pour tous les goûts ! » – Elsa.

Si l’école a rouvert ses portes pour certains le 11 mai, d’autres ont continué d’apprendre à la maison. Les tuteurs et tutrices se sont alors adaptés aux envies et aux disponibilités de chaque enfant, ont préparé leurs séances et usé d’imagination pour proposer des activités variées.

« Je privilégiais les activités ludiques aux exercices trop formels car poser un calcul s’avère compliqué. Pour s’entraîner aux additions, je faisais le jeu du cornet à glace et des boules. Comme je suis un rat de bibliothèque, je leur donnais aussi quelques lectures, on en discutait ensemble le lendemain. » – Alyson.

« Pour les deux petites filles que je suivais, j’ai eu la chance d’avoir une maîtresse investie qui m’envoyait les devoirs par mail. Je faisais donc davantage de l’aide aux devoirs. C’était comme un rituel : on commençait par une petite dictée, une compréhension de texte avec des questions… » – Zoé.

Vendredi dernier, le programme de tutorat touchait à sa fin. Un cahier de vacances réalisé par nos équipes – contenant des activités et des exercices en auto-apprentissage – va prochainement être distribué à chaque enfant. Outre les progrès qu’ont fait ces derniers pendant ces deux mois, les tutrices soulignent le lien très fort qui s’est établi entre eux.

« Les petites filles que j’ai accompagnées ont toujours été très reconnaissantes à la fin de chaque séance. Et même si parfois cela m’a donné du fil à retordre, c’était une source de motivation et une raison d’être plus investie. » – Alyson.

« Au début, j’avais du mal à capter son attention et à passer d’une activité à l’autre. Mais j’ai appris au fur et à mesure à bien préparer les séances pour qu’il n’y ait jamais de vide. C’était parfois difficile pour lui, ils sont trois dans la même pièce, il y avait toujours du bruit autour. Mais c’était super de voir qu’il était toujours content d’avoir sa séance quotidienne avec moi, de partager et d’échanger. À la fin, c’est lui qui m’appelait en premier ! » – Inès.

« J’accompagnais deux petites soeurs tchétchènes, leur famille m’adore ! Ils m’ont même invitée à un barbecue chez eux. Le tutorat s’est passé à merveille. Je ne m’attendais pas à créer un lien si fort avec ces deux petites filles et à me sentir aussi utile ! » – Sandrine.

Enfin, une bibliothèque numérique a été mise en place avec le soutien de Mobidys pour accompagner les lecteurs fragiles vers une lecture autonome. Cet été, chaque enfant a ainsi accès à une sélection de livres FROG – un format pensé pour les personnes dys – adaptés à son âge pour lire et éveiller son imaginaire.

Un texte de Preamoney Tan

Depuis 2007, Bibliothèques Sans Frontières agit sans relâche pour favoriser l’accès à l’information auprès de celles et ceux qui en sont privés – des camps de réfugiés au Bangladesh aux territoires ruraux en France – et faire du droit à la culture un droit fondamental de l’être humain. En treize ans, l’association a touché plus de six millions de personnes dans cinquante pays.

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