Lorsqu’une catastrophe humanitaire survient, les premiers secours se portent sur les blessés qu’il faut sauver, sur la nourriture, les abris et les vêtements qu’il faut rapidement fournir aux hommes, femmes et enfants qui en sont souvent démunis. Ces besoins vitaux une fois assurés, très vite cependant, quelque chose manque. Après une catastrophe, il faut également pouvoir lire, écrire et communiquer.
Bibliothèques Sans Frontières est intervenue trois jours après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti, à la demande des institutions haïtiennes qui pensaient que son intervention était urgente. Nous avons été frappés de certaines réactions que nous avons rencontrées en France, en Europe et en Amérique où beaucoup, trop de nos interlocuteurs nous ont dit alors : ce que vous faites est-il vraiment prioritaire ?
Aujourd’hui, aucun des principes guidant l’ONU lorsqu’elle doit gérer le sort de personnes déplacées ne porte sur cette dimension intellectuelle du sauvetage de l’être humain en danger, ce besoin fondamental d’information, de dialogue et de réassurance. Il est question d’aliments de base et d’eau potable, d’abri et de logement, de vêtements décents, d’installations sanitaires et de services médicaux. Mais presque jamais de moyens de communiquer ou de s’informer, également ignorés par la plupart des agences d’aide humanitaire.
Or qu’est-ce qu’un homme, une femme, un enfant, une fois sa vie sauvée, sa nourriture et son gîte retrouvés, si, sans activité, il ne peut pas lire, écrire, dessiner ou communiquer, et ainsi reprendre sa place dans la communauté des humains, pour mieux se projeter dans l’avenir et se reconstruire ? Se nourrir, s’abriter et se soigner demeurent bien sûr les priorités immédiates dans les situations d’urgence, mais l’action internationale doit, très rapidement, s’efforcer de donner accès à l’information, à l’expression et à la culture aux victimes de catastrophes.
Les bibliothèques peuvent être à la pointe du partage et de la circulation de l’information en situation de crise. L’exemple du formidable impact des bibliothèques chiliennes, suite au séisme de 2010 dans le nord du pays, est frappant : leur ancrage direct dans les communautés et leur savoir-faire en matière de recherche, de vérification et de mise à disposition de l’information, ont joué un rôle décisif pour le sauvetage des hommes, la prévention des nouveaux risques et le rétablissement des moyens d’accès à l’information.
Voilà pourquoi BSF, forte de son expérience en Haïti, de ses interventions en Tunisie et au Rwanda, décide de lancer cet appel international pour que la lecture, l’écriture et l’accès à l’information fassent partie des priorités de l’aide d’urgence ; pour que les agences d’aide et les États prennent mieux en compte cette dimension essentielle des besoins humains. Pour guérir et se reconstruire, il faut aussi pouvoir lire et dire.