Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Libye, Italie : le trajet d’Ansou a duré cinq ans. Cinq ans pendant lesquels il a enchaîné les petits boulots, en maçonnerie notamment. Cinq ans parmi lesquels il a été retenu six mois en prison libyenne ou bien travaillé « pour un vieux, gratuitement, en échange d’un lit ». Cinq ans durant lesquels il ne s’est jamais vraiment projeté.
Ansou n’a que dix-neuf ans. Jeune et déjà âgé. En septembre dernier, il échoue en Sicile, seul. Très vite, les cours d’italien, les rencontres et la bibliothèque. À l’ombre d’un pin, contre un muret en pierre, il raconte le rôle essentiel de l’Ideas Box dans son intégration à Palerme.
« Très peu de Siciliens nous voient comme des voleurs, des vendeurs de drogue ou des prostitués. Nous avons cette chance, je sais que ce n’est pas la même chose partout en Europe, à commencer par l’Italie. Quand tu arrives dans un pays étranger, la langue est la première chose que tu dois apprendre. C’est elle qui te permet de t’intégrer, de trouver un travail. À Palerme, si tu ne parles pas l’italien, c’est très difficile. Et surtout, tu dois étudier. Pour pouvoir communiquer avec les habitants, connaître la région, la culture et la ville dans laquelle tu es. »
En mars 2018, Bibliothèques Sans Frontières installe sa première Ideas Box en Sicile, en partenariat avec le ministère de la Culture et la mairie de Palerme. L’objectif ? Travailler avec différents acteurs locaux pour favoriser l’intégration des jeunes exilés ; les outils numériques, jeux de société et livres sélectionnés de l’Ideas Box permettent l’apprentissage de l’italien ou l’écriture de lettres de motivation par exemple. Quatre mois plus tard, elle rassemble chaque jour une vingtaine de jeunes migrants, principalement Guinéens, Gambiens et Burkinabés. Et les projets se multiplient : atelier sur les représentations des migrants dans la presse européenne, production d’un court métrage et réalisation d’une carte touristique de Palerme.