Burundi, 2019
Éducation - 25 octobre 2019

Burundi : “la rue n’a pas toujours été ma maison”

Au Burundi, 400 000 enfants et adolescents n’ont pas accès à un enseignement de qualité, principalement les plus pauvres, ​les réfugiés et les déplacés. Parmi eux, 5 000 enfants sont en situation de rue. Cet automne, notre parrain Augustin Trapenard a rencontré pendant une semaine – dans les quartiers périphériques de Bujumbura – les jeunes usagers de nos Ideas Box qui favorisent chaque jour leur réintégration au sein de la communauté et leur redonnent le goût d’un retour à l’école.

Nous travaillons depuis plus de cinq ans au Burundi pour favoriser l’accès à l’éducation et à l’information des enfants les plus vulnérables. Avec l’aide des partenaires locaux de la protection de l’enfance, comme l’association Giriyuja, nous tentons sans relâche de pallier les ruptures de scolarisation des enfants des rues dans les quartiers périphériques de Bujumbura. La rue qui est ici envisagée comme une demeure, un refuge ou un lieu de travail. La rue qui est incompatible avec l’école. La rue qui favorise en réalité les violences, l’exploitation des enfants les plus fragiles, le trafic de drogues ou la mendicité.

« Il faut bien distinguer « enfants dans la rue » et « enfants de la rue ». Les premiers ont une famille, souvent nombreuse, et rentrent chez eux chaque soir. Beaucoup n’ont pas la chance d’aller à l’école car bien qu’elle soit gratuite, les fournitures scolaires et l’uniforme ne le sont pas. Ils passent alors leur journée dehors, travaillent parfois pour ramener à manger la nuit tombée. D’où l’importance également de sensibiliser et d’accompagner les familles vers des activités génératrices de revenus. Quant aux « enfants de la rue », certains y sont nés. Ils y grandissent, mendient, volent ou trafiquent. Pour eux, la rue n’est pas une étape, elle est une carrière. Ils vivent dans le présent car demain appartient à Dieu. » souligne Wenceslas Nyabenda, directeur technique de l’association Giriyuja et ancien enfant des rues.

C’est pourquoi nous avons installé, avec notre partenaire Giriyuja, deux Ideas Box dans les quartiers de Buterere et de Kabondo, à Bujumbura, permettant à plus de 300 jeunes d’avoir accès chaque jour à des outils et des contenus d’apprentissage de qualité – sélectionnés par notre équipe, discutés en profondeur avec nos partenaires et bénéficiaires locaux – dans un lieu sécurisé : une collection de livres, des ordinateurs, des tablettes et des jeux, des applications pour apprendre le français ou le kirundi, des exercices de mathématiques et de sciences, des coloriages, une télévision et des caméras.

« Ces bibliothèques sont des oasis. Elles sont des lieux de refuge, de repos, de rêve, de résilience et de réintégration. L’un des principaux enjeux de nos médiateurs au sein de celles-ci est d’aider ces enfants à passer du « nous » au « je », à envisager et imaginer une trajectoire et un avenir qui leur sont propres. Il est essentiel de les valoriser, qu’ils soient acteurs de leur vie. » poursuit-il.

En plus de permettre aux assistants psychosociaux d’identifier plus facilement les enfants les plus vulnérables pour mieux les accompagner vers une réinsertion scolaire et un traitement psychologique adapté, les Ideas Box sont également d’excellents outils de cohésion sociale. À la sortie des écoles alentour, en milieu d’après-midi, les élèves rejoignent en effet les enfants des rues pour jouer sur les tablettes, regarder la télévision ou construire ensemble la plus grande tour de Kapla. D’un côté la réintégration au sein de la communauté, de l’autre la déconstruction des représentations et des méfiances.

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Car l’émancipation passe aussi par la créativité, plusieurs activités sont organisées chaque jour par nos médiateurs – anciens enfants des rues, pour la plupart – et intervenants extérieurs, du théâtre à la danse, de la rédaction de poèmes aux sessions de slam. Au cœur de celles-ci : la résilience, l’estime et l’affirmation de soi. Comme en témoigne le poème d’Aboubakar, jeune burundais de 14 ans :

« La rue n’a pas toujours été ma maison,
Le trottoir n’a pas toujours été mon lit,
La police n’a pas toujours été mon ennemi.
Demain peut-être, les conditions changeront.
Et je pourrai aider ceux qui sont comme moi aujourd’hui. »

Cette année, les Ideas Box de Buterere et de Kabondo permettront la réintégration de 600 enfants et adolescents. Annociate, Eliane et Cynthia ont par exemple été formées à la fabrication de savons et ont ouvert leur propre coopérative dans le quartier de Busoro, dans la périphérie de Bujumbura. Pas loin, Ciza Amos a intégré quant à lui un centre de formation de soudure et de fonderie : « C’est un livre trouvé dans l’Ideas Box de Kabondo, où j’allais très souvent, qui m’a donné envie d’étudier. Je rêve maintenant de créer ma propre entreprise. »

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Depuis 2007, Bibliothèques Sans Frontières agit sans relâche pour favoriser l’accès à l’information et à l’éducation auprès de celles et ceux qui en sont privés – des camps de réfugiés au Bangladesh aux territoires ruraux en France – et faire du droit à la culture un droit fondamental de l’être humain. En treize ans, l’association a touché plus de six millions de personnes dans cinquante pays.

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