Cohésion sociale - 22 juin 2020

Gymnases d’hiver : une parenthèse culturelle pour les sans-abri

Depuis quatre ans, nous travaillons chaque hiver dans les gymnases parisiens pour favoriser l’autonomie des personnes dans la rue. Chaque soir, ils ont accès à des lits de camp, un repas chaud, une douche et l’Ideas Box. Ils peuvent alors jouer à des jeux de société, regarder des films, utiliser les ordinateurs et lire. Une parenthèse culturelle pour oublier leur quotidien.

Dans le gymnase Ronsard, Augustin Trapenard a rencontré le mois dernier Thierry, un habitué de la bibliothèque, ancien cuisinier et sans domicile fixe depuis plus d’un an. Ici, on l’appelle « tonton ».

6 janvier 2020. Ils sont environ quatre-vingts hommes dans ce gymnase du 18ème arrondissement de Paris, orientés par les équipes du Samusocial après avoir appelé le 115. Depuis deux mois, ils dorment sur des lits de camp sommaires, portant le nom de chacun d’eux, bien alignés par rangée de six. Certains sont Français, d’autres demandeurs d’asile, guinéens, ivoiriens ou marocains. Un tiers d’entre eux travaille pourtant, comme agents de service ou en cuisine. D’autres attendent toute la journée, dans la rue, dans le métro, pour pousser les portes du gymnase et s’abriter du froid pour la nuit.

Chaque soir, un repas chaud et une douche dans les vestiaires. Trois fois par semaine également, des bénévoles de Bibliothèques Sans Frontières viennent y installer l’Ideas Box, notre médiathèque itinérante, permettant aux hébergés un accès libre à un ensemble de ressources sélectionnées par notre équipe, spécifiquement pour ce projet : jeux de société, films et bandes dessinées.

Ce soir-là, Thierry Peltre ramène la bande dessinée “Le Photographe” d’Emmanuel Guibert – récemment Grand Prix du festival d’Angoulême – empruntée une semaine plus tôt dans l’Ideas Box. Autour d’un jeu de Jenga, Augustin Trapenard en profite pour échanger avec lui.

« Depuis que je suis à Paris, tout le monde m’appelle “tonton”. Je suis l’ancien quoi… j’ai 56 ans, je suis un vieux de la vieille. Je suis dans la capitale depuis le 22 novembre 2018, près du métro Maubert-Mutualité surtout. Avant j’étais à Cannes, j’étais cuisinier. J’ai un CAP, un BEP et un bac pro. Puis j’ai perdu ma femme d’un arrêt cardiaque foudroyant à 45 ans… Quand je suis arrivé ici, j’me suis retrouvé dehors, je dormais dans la rue. »

Pour lui, les journées se ressemblent : départ matinal à 8h30 pour aller faire la manche à Gare de l’Est, jusqu’à l’ouverture du gymnase à 18h où il rejoint l’Ideas Box pour lire et jouer. Dans sa poche, parmi le peu d’affaires personnelles qu’il garde avec lui : un polar.

« Les polars, c’est une passion. J’ai toujours beaucoup lu. La lecture, ça permet de m’instruire, d’apprendre de nouveaux mots. L’Ideas Box, c’est que du bonheur ! »

11 février 2020. C’est la dernière soirée de Thierry au gymnase. Demain, il dormira dans un logement social, grâce à l’accompagnement du Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris et autres associations – comme Entourage – présentes chaque soir de la semaine. Il le promet : il reviendra, mais seulement pour « revoir sa famille ».

Depuis 2007, Bibliothèques Sans Frontières agit sans relâche pour favoriser l’accès à l’information et à l’éducation auprès de celles et ceux qui en sont privés – des camps de réfugiés au Bangladesh aux territoires ruraux en France – et faire du droit à la culture un droit fondamental de l’être humain. En treize ans, l’association a touché plus de six millions de personnes dans cinquante pays.

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