Photo d'une jeune femme et d'un migrant devant un ordinateur
Humanitaire - 4 septembre 2017

Ayman : du football au Darfour à l’Ideas Box d’Ivry

Depuis février 2017, le centre d’hébergement d’urgence Ivry-Masséna, géré par l’association Aurore depuis deux ans, accueille une Ideas Box, notre médiathèque en kit. Chaque semaine, près de 250 migrants, réfugiés et demandeurs d’asile principalement afghans, soudanais et érythréens peuvent en profiter. Susie Naval et Thomas Rosenthal, tous deux chargés d’appui au déploiement et à l’animation de l’Ideas Box au centre d’hébergement, ainsi qu’Ayman reviennent sur les premiers mois de l’Ideas Box et son utilisation par les usagers.

 

Apprentissage du français et intégration

Cet après-midi d’avril, ils sont un peu plus d’une dizaine dans la salle autour des différents modules de l’Ideas Box. Sur la verte, deux Afghans s’affrontent au Puissance 4, sur l’orange, trois Soudanais jouent aux dominos et quelques autres parcourent les cartes géographiques des atlas pour se montrer leur parcours et pays d’origine. Ayman, lui, cherche sur une tablette le club de football le plus proche du centre, pour pouvoir s’inscrire et jouer en équipe dès la rentrée de septembre :

« Au Soudan, j’avais un très bon niveau. Je jouais dans la ligue soudanaise de football. Mais la situation du pays se dégradait de plus en plus, je voulais un meilleur avenir, je suis donc parti. »

Le jeune homme a quitté le Darfour à l’âge de 24 ans, il en a maintenant trois de plus. Ce n’est que récemment qu’il a obtenu son titre de séjour en France pour une durée de dix ans.

« Avant, je voulais être ingénieur. Aujourd’hui, je ne sais plus vraiment. Je ne pense pas reprendre mes études, je me trouve trop vieux, je dois plutôt trouver un travail pour gagner de l’argent. Mais avant tout, je dois apprendre le français pour m’intégrer. J’ai des cours presque tous les jours, je progresse beaucoup. Avec l’Ideas Box, j’apprends beaucoup également, c’est moins scolaire et plus marrant. »

Pour Thomas, l’Ideas Box est pensée comme un moyen de rendre moins pénible l’expérience de la migration des résidents du centre d’hébergement d’urgence :

« L’Ideas Box est un vecteur d’informations. Au-delà des simples activités récréatives comme la conception d’un jeu d’échec en pâte fimo ou la mise en place d’un atelier de sérigraphie, notre travail consiste également à programmer en amont des activités adaptées au public, à les accompagner et les aider à penser la suite. »

Avec l’aide des services civiques d’Unis-Cité de l’association Aurore, Susie et Thomas ont ainsi progressivement proposé davantage d’activités pédagogiques. Notamment autour de la culture et de la langue françaises, comme la question des élections ou des droits des femmes.

Photo de jeunes jouant à un jeu de société sur l'Ideas Box

Au Darfour, les bibliothèques sont surtout dans les universités. Les jeunes devraient en profiter davantage. Mais il faut qu’elles soient partout et pour tout le monde.
Ayman, utilisateur soudanais de l'Ideas Box d'Ivry

Cultures et solidarité

Trois mois plus tard, à l’entrée de la salle sur le mur de droite, est accrochée une grande carte du monde, dessinée par les résidents eux-mêmes. Des petits papiers de couleurs, sur lesquels sont inscrits des prénoms, sont épinglés sur toute sa surface.

« Récemment, nous avons aussi créé une carte collaborative de Paris, où chacun peut placer les endroits qu’il aime et veut partager auprès des autres résidents. » explique Susie.

Aujourd’hui, c’est le jeu Blokus qui rythme l’après-midi ! L’objectif ? Placer l’ensemble de ses pièces colorées sur le plateau de jeu sans se faire bloquer par ses adversaires. Parmi les joueurs, Fayaz, un jeune homme de 19 ans, arrivé en France il y a près d’un an. Dans l’attente de son entretien avec l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ce dernier vient surtout pour déconnecter :

« Je suis là presque toutes les semaines, c’est toujours différent. Des fois on joue, parfois on écoute de la musique et l’on découvre celle des autres. J’emprunte également des livres pour la nuit. Des fois, je veux juste être là pour voir du monde. »

Pour Thomas, la dynamique de groupe est importante au sein de l’Ideas Box.

« Alors qu’Afghans et Soudanais se parlent peu au quotidien, l’Ideas Box est l’un des seuls endroits où ils se rencontrent, partagent et créent du lien. Egalement, quand ils ne parlent pas l’anglais, le français devient alors leur seule manière de communiquer. »

Le visage fendu par un large sourire, sur l’ordinateur de la table d’à côté, Ayman recherche des associations avec l’aide de Susie pour y postuler en tant que bénévole :

« J’ai envie de m’investir, d’aider les gens. J’ai la chance d’être chaque jour meilleur en français, j’aimerais pouvoir partager mon expérience. »

Quand on lui demande d’imaginer son avenir, il repense tout de suite au Soudan :

« Au Darfour, les bibliothèques sont surtout dans les universités. Je trouve que les jeunes devraient en profiter davantage. Mais il faut qu’elles soient partout et pour tout le monde. Dans l’idéal, j’aimerais pouvoir un jour faire la même chose que Bibliothèques Sans Frontières dans mon pays, au Soudan, quand tout sera redevenu calme. »

Photo d'un groupe de jeunes posant devant le centre d'hébergement d'Ivry

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